Aujourd’hui, la plateforme Global Forest Watch publie les chiffres des pertes de forêts dans le monde en 2024. Dans ces données, l’évolution des forêts primaires est particulièrement surveillée. Ces forêts n’ont pas été modifiées par l’homme et sont des réserves de biodiversité. Elles sont d’importants puits de carbone et sont irremplaçables une fois disparues. Leur surface a beaucoup diminué en 2024, au Brésil, mais aussi en Bolivie, où la perte de forêts primaires a été multiplié par trois en un an.
La Bolivie est devenue le deuxième pays dans le monde avec le plus de pertes de forêts primaires, selon l’observatoire Global Forest Watch. Et il y a plusieurs facteurs qui entrent en jeu. Le premier est que la Bolivie, tout comme le Brésil, a été touchée par des incendies historiques en 2024. Le pays a été ravagé par les flammes pendant plusieurs mois. Résultat : plus de la moitié des pertes de forêts sont dues aux incendies.
Ensuite, depuis une dizaine d’années, le gouvernement a décidé d’augmenter la place de l’agrobusiness – c’est-à-dire l’agriculture et l’élevage pour l’exportation – dans l’économie et cela passe par la déforestation de l’est du pays pour avoir de nouveaux pâturages ou afin de cultiver du soja. Ce processus a pris du temps à se mettre en place, mais on en voit maintenant les effets car depuis 2021, les pertes de forêts primaires augmentent chaque année en Bolivie.
« Tu as des secteurs qui sont très puissants et qui dirigent des banques, qui ont des médias et qui ont généré cette notion que le pays n’avance que grâce au moteur de l’agrobusiness », explique Stasiek Czaplicki, économiste environnemental, spécialisé sur la déforestation et les incendies.
Des politiques publiques mises en place pour faire avancer la déforestation
2024 a donc été un record en Bolivie, avec 1,4 million d’hectares de forêts primaires qui ont disparu, mais malgré cela, il ne faut pas s’attendre à des mesures pour freiner ce phénomène. Il est peu probable que le gouvernement change de cap, comme l’explique Stasiek Czaplicki : « Il y a potentiellement plus d’une trentaine de politiques publiques que le gouvernement a mis en place pour faire avancer la déforestation. Ce serait absurde de prétendre qu’avec une ou deux, tu vas arrêter tout ce qui s’est accumulé pendant des années. Il y a également une interdépendance dans le système actuel bolivien sur l’expansion de la déforestation qui fait que ce n’est pas viable de l’arrêter. »
En Bolivie, le sujet est très peu discuté. Hormis certains parlementaires, des associations ou encore des populations autochtones qui alertent chaque année sur les incendies et sur les conséquences environnementales des pertes de forêts, aucun parti ne s’est emparé de la question, encore moins pour proposer des alternatives.
Il est donc probable qu’il y ait d’autres années records comme 2024 dans un futur proche, en partie à cause de ce modèle économique, mais aussi à cause du réchauffement climatique. En 2024, le phénomène climatique El Niño a entraîné une très forte sécheresse dans la région et cela a grandement contribué aux incendies en Bolivie, au Brésil ou encore au Pérou.
Selon Stasiek Czaplicki, il faut s’attendre à une voire deux sécheresses similaires d’ici 2030. Cela veut dire une ou deux années avec des saisons d’incendies très fortes et donc d’importantes pertes de superficies de forêts.
Avec RFI