À Conakry, comme dans plusieurs grandes villes de Guinée, le logement est devenu une problématique de premier ordre. En raison de la croissance démographique rapide, de la spéculation foncière et de l’urbanisation désordonnée, les loyers connaissent une inflation continue, parfois déconnectée de la réalité économique des ménages.
Face à ce phénomène, de nombreux locataires se retrouvent à la merci de bailleurs qui, sans préavis et sans négociation, imposent des hausses abusives de loyer. Cette pratique, bien qu’assez répandue, est pourtant contraire à la législation en vigueur.
Dans ce contexte, il est essentiel de rappeler ce que dit le droit guinéen en matière d’augmentation du loyer, afin de protéger les droits des citoyens et favoriser un climat de confiance dans les relations locative.
Le cadre juridique guinéen est clair.
1. Le contrat de bail comme fondement
La Loi L/2015/026/AN du 14 septembre 2015 portant Code civil, régit les relations entre bailleurs et locataires. Cette loi dispose que le contrat de bail est un accord de volontés par lequel le bailleur s’engage à mettre un bien immobilier à la disposition du locataire, en contrepartie du paiement d’un loyer déterminé d’un commun accord.
Autrement dit, le montant du loyer est fixé librement entre les deux parties lors de la signature du bail, et aucune modification ne peut intervenir sans un nouvel accord écrit.
2. La stabilité du loyer en cours de contrat
L’article 1736 du Code civil guinéen (reprenant les principes généraux du droit locatif) stipule que :
« Le bailleur ne peut imposer une augmentation du loyer en cours de contrat que si une clause spécifique l’y autorise ou si le locataire y consent expressément. »
En l’absence d’un avenant au contrat, signé par le locataire, toute tentative d’augmentation est donc juridiquement nulle.
3. Renouvellement du bail : l’unique moment légal de renégociation
Au terme du contrat (souvent annuel), le bailleur peut proposer un nouveau montant pour le loyer. Le locataire est alors libre :
d’accepter,
de négocier un compromis,
ou de quitter les lieux.
Le préavis légal, généralement d’un mois, doit être respecté dans tous les cas.
La réalité du terrain et les dérives à corriger
Des pratiques abusives persistantes
Malgré la clarté des textes, de nombreux locataires en Guinée se plaignent de hausses imposées sans discussion, parfois même accompagnées de menaces d’expulsion ou de coupures d’eau/électricité. Ces méthodes constituent des abus manifestes.
Dans les quartiers populaires de Conakry comme Matoto, Ratoma ou Sonfonia, il n’est pas rare de voir des familles contraintes de quitter leur logement à cause d’une hausse soudaine de loyer, sans préavis ni justification.
Des recours existent
Les locataires victimes de ces abus peuvent :
Saisir le tribunal de première instance du ressort,
Adresser une plainte à la Direction préfectorale de l’habitat ou à la Direction nationale de l’urbanisme,
Solliciter une médiation auprès d’un avocat ou d’un conseil juridique.
Il est également recommandé de toujours formaliser les paiements et les échanges avec le bailleur par écrit ou en présence de témoins.
Vers une réforme plus protectrice ?
Il devient urgent pour les autorités guinéennes d’envisager :
Une régulation plus stricte du marché locatif, notamment dans les centres urbains,
La mise en place d’un plafonnement encadré des loyers dans les zones à forte pression immobilière,
Et la création d’une autorité de régulation immobilière pour faire respecter les droits des locataires.
En Guinée, la loi est claire : aucun bailleur ne peut augmenter un loyer sans l’accord du locataire. Face à l’urbanisation croissante et aux tensions sociales qu’elle engendre, faire respecter cette règle est non seulement un impératif juridique, mais aussi un enjeu de justice sociale.
Informer, former et accompagner les citoyens dans la défense de leurs droits locatifs est désormais une nécessité pour construire une société plus équitable.
Eugène Capi Balamou, juriste diplômé d’un Master 1 en droit privé des Affaires.