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De la Guinée Forestière à la Sierra-Leone : Le Piège QNET qui Trompe Parents et Jeunes. ( Eugène Capi Balamou)

Depuis plusieurs années, un phénomène aussi discret que destructeur ronge silencieusement les espoirs de nombreux jeunes et familles de la Guinée Forestière : l’arnaque bien huilée de la société QNET. Sous couvert d’opportunités alléchantes, cette entreprise, souvent dissimulée derrière des discours de réussite facile et de voyages miracles, attire chaque mois des dizaines, voire des centaines de jeunes vers la Sierra-Leone. Une fois sur place, beaucoup découvrent un cauchemar bien éloigné des promesses.

Une migration piégée par l’illusion

Tout commence souvent dans un village reculé de la Guinée Forestière. Une connaissance, un ancien camarade, ou un membre éloigné de la famille revient au pays pour quelques jours. Vêtu élégamment, téléphone dernier cri en main, il vante sa réussite fulgurante à Freetown ou Bo. « J’ai trouvé une opportunité unique grâce à QNET, je peux t’y emmener », dit-il. La promesse ? Devenir riche rapidement grâce à un « réseau international » où il suffit d’investir pour toucher des commissions.

Naïfs et pleins d’espoir, les jeunes, parfois même les parents, contractent des dettes, vendent une moto ou une parcelle pour payer le voyage et « l’adhésion ». Arrivés en Sierra-Leone, ils découvrent qu’ils doivent à leur tour recruter d’autres jeunes pour espérer rentrer dans leurs frais. C’est là que commence la spirale infernale : enfermés dans des maisons insalubres, dépouillés de leurs papiers, ils subissent humiliations, violences psychologiques, voire physiques. Plusieurs témoignages parlent même de conditions proches de l’esclavage moderne.

L’ignorance exploitée, la dignité bradée

QNET prospère sur un mal bien ancré dans nos sociétés : la pauvreté couplée à l’ignorance. Ce système pyramidal, souvent dénoncé par les ONG et autorités locales, continue pourtant d’essaimer, faute d’une action concertée des États concernés. Pire encore, il crée un fossé au sein des familles. Beaucoup de parents, pensant offrir un avenir meilleur à leurs enfants, les encouragent sans savoir qu’ils les envoient dans un piège.

Les conséquences sont dramatiques : jeunes traumatisés, familles ruinées, déscolarisation massive, perte de confiance en l’avenir. Le tissu social et moral de la région s’effrite sous le poids de ce fléau.

Réagir, informer, protéger

Il est urgent d’agir. L’État guinéen ne peut rester passif face à une organisation qui ruine la jeunesse sous prétexte d’entrepreneuriat. Une campagne nationale de sensibilisation, à travers les radios rurales, les écoles, les mairies et les leaders religieux, est nécessaire. Des centres d’écoute et de réinsertion doivent être mis en place pour les jeunes victimes.

Les autorités locales, notamment dans les préfectures frontalières (Lola, Macenta, N’zérékoré), doivent renforcer leur collaboration avec la Sierra-Leone pour démanteler les réseaux de passeurs et protéger les jeunes. Il est également du devoir des journalistes, des associations de jeunesse et des mouvements citoyens de briser le silence et de faire front commun contre ce modèle destructeur.

Une jeunesse à sauver, une dignité à restaurer

Le combat contre le piège QNET est aussi un combat pour la dignité. La jeunesse guinéenne ne doit pas être sacrifiée sur l’autel de l’illusion et du mensonge. Elle mérite une éducation solide, des opportunités réelles, un encadrement sincère. Il ne suffit plus de dénoncer, il faut construire une alternative.

L’histoire jugera sévèrement ceux qui, par négligence ou complicité, auront laissé QNET détourner les rêves d’une génération.

Eugène Capi Balamou
Journaliste & Communicant
Originaire de la Guinée Forestière

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