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Bande de Gaza: «On attend que la communauté internationale dise stop au massacre»

La catastrophe se poursuit dans la bande de Gaza dévastée et toujours en proie aux bombardements et à la famine. Sur place, les humanitaires, qui sont aussi bien souvent des citoyens, continuent de se battre pour survivre. Entretien avec l’un d’eux, Riyad, Palestinien de la ville de Gaza, membre du Secours Islamique France.

RFI : Comment est la situation dans la ville de Gaza depuis les annonces du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu d’en prendre le contrôle ?

Riyad : La situation est de plus en plus catastrophique. Le peu d’aide qui entre à Gaza n’est pas suffisant. Dans la ville de Gaza, il y a presque 1 million d’habitants. Ils sont tous déplacés vers l’ouest de la ville de Gaza, sur seulement 10 à 15 % du territoire de la ville. Les autres zones sont des zones rouges, vidées de leurs habitants, où il y a maintenant l’armée israélienne.

Depuis deux jours et avec l’annonce de Benyamin Netanyahu de prendre le contrôle de Gaza, on commence à nous préparer face aux menaces israéliennes d’évacuer la ville de Gaza et de couper Gaza de nouveau. On essaye de chercher des endroits sécurisés, mais même dans la zone de Mawasi, c’est surchargé de déplacés. Il n’y a plus de place malheureusement là-bas. On espère qu’il y aura une solution, mais il faut se préparer en avance.

Qu’en est-il des pénuries de médicaments, de nourriture et d’eau ? 

C’est en fait encore plus difficile de trouver des médicaments que de la nourriture. Il n’y a rien qui entre dans les hôpitaux qui sont déjà détruits. Les centres médicaux et les hôpitaux sont surchargés de blessés et de gens affamés qui attendent les aides chaque jour dans le nord de la bande de Gaza, dans le centre et dans le Sud. Même les équipes médicales n’arrivent pas à soigner les blessés et les malades, faute de médicaments, de moyens et même de ressources humaines comme les infirmiers, ou les médecins.

Concernant la nourriture, c’est la même chose depuis la fermeture des passages de camions. On entend dans les médias que beaucoup d’aide entre à Gaza. Mais c’est vraiment insuffisant. Gaza vit aujourd’hui la crise humanitaire la plus grave de son histoire. On passe parfois deux jours, voire plus, sans manger. On n’a rien à avaler. La semaine dernière, il y a eu un peu d’aide. Mais plus de 90 % de cette aide humanitaire est attaqué par des voleurs et des affamés, et par les gens qui attendent tous les jours. On ne peut pas compter sur l’aide de la Gaza Humanitarian Foundation. Beaucoup de gens parmi nous sont obligés d’y aller pour nourrir leurs enfants parce que, en fait, ils n’ont rien, ni salaire, ni travail. Ils savent que peut-être, ils ne vont pas revenir, ils risquent leurs vies pour aller chercher quelque chose à manger pour eux et pour leurs enfants. C’est très dangereux. C’est un piège mortel.

Moi et ma famille par exemple, on n’a jamais profité de ces aides. Et quand on trouve quelque chose à manger dans les marchés, c’est hors de prix. Il y a deux semaines, j’ai acheté un kilo de farine à 50 €… Parfois, on trouve des boîtes de conserve de pois chiches. C’est cher, mais c’est mieux que rien. À cause de la famine et de la malnutrition, les gens meurent : plus de 200 dont la moitié sont des enfants. Il n’y a plus de lait pour les bébés. Il n’y a plus de vitamines. Il n’y a plus d’aliments qui peuvent sauver les enfants à Gaza. Regardez à quel point les images sont choquantes… Il n’y a rien à manger dans la bande de Gaza.

Quant à l’eau, ce n’est pas mieux que la nourriture. La ligne d’eau officielle qui fournit la bande de Gaza a été bombardée il y a un mois. Grâce à ceux qui ont des panneaux solaires, on essaie de faire fonctionner les puits de quartiers. Pour l’eau potable, c’est pareil pour tout le monde. Chaque jour, il faut prendre son petit réservoir et attendre le camion-citerne. Il faut faire la queue plus d’une heure. C’est la routine quotidienne.

Le Secours Islamique France (SIF) arrive-t-il à travailler sur le terrain dans de telles conditions ? 

Malgré les fermetures, malgré les prix très élevés, en tant qu’association humanitaire, notre devoir au SIF est de soutenir nos bénéficiaires et les plus vulnérables à Gaza, même les déplacés. Pour être franc, il n’y a rien à Gaza. Les légumes frais sont rares et ne sont pas suffisants. Mais on essaye quand même de récolter le peu qu’il y a pour les distribuer. Il y a deux semaines, on a distribué presque 5 000 colis de légumes frais et des repas chauds, et un peu de riz, malgré son prix très élevé. Si on augmente les quantités qui entrent à Gaza, le SIF intensifiera ses activités et ses projets auprès des gens affamés, auprès des plus vulnérables dans la bande de Gaza. On a aussi maintenant presque 6 000 enfants orphelins parrainés dans toute la bande de Gaza.

Êtes-vous libre de faire votre travail ? 

Les problèmes ne s’arrêtent jamais. Même les problèmes imposés par l’armée israélienne. Les problèmes logistiques, les problèmes de sécurité, les problèmes sur le terrain. Certains médias ne disent pas la vérité sur ce qui se passe sur le terrain. Moi, je vis à Gaza et je vois par mes yeux. Certains médias disent qu’Israël va noyer Gaza sous les aides. Mais en vérité, depuis deux semaines, il y a seulement 112 camions qui ont réussi à entrer à Gaza. À l’origine, 8 400 camions devaient arriver dans les deux semaines. Et 90 % des camions qui sont entrés ont été attaqués, pillés. Et aucun camion n’est arrivé vers les stocks et les centres de distribution officiels de l’Unrwa et du Programme alimentaire mondial.

La population a-t-elle encore espoir en l’avenir ? 

C’est une question très importante. Alors en vérité, et en réalité, tout le monde ici est désespéré par le silence international. On apprécie beaucoup les discours, mais ce n’est pas ce dont on parle. Nous, peuple palestinien, on n’a pas besoin de mots, on n’a pas besoin de soutien moral, on attend que des pressions soient exercées pour arrêter cette guerre, cette catastrophe. Alors, on attend que la communauté internationale dise stop au massacre. On a besoin d’un soutien réel. Un soutien qui mette fin à la guerre et laisse les gens vivre en sécurité et en paix.

On est désespéré par la dernière décision de Netanyahu. Il ne veut pas arrêter la guerre. Et les gens, où vont-ils aller ? Ils vont être obligés d’aller toujours plus au Sud, et puis ils vont être expulsés vers d’autres pays. Israël va détruire la cause palestinienne. Il va détruire la population.

Je me sens détruit de l’intérieur, mais j’essaie de ne pas le montrer, parce qu’il faut être fort pour soutenir nos familles et la population. Il y a un combat à l’intérieur de nous-mêmes. On lutte contre la souffrance, on lutte contre la mort. C’est un combat pour la vie.

Les opérations du Secours islamique France dans l’enclave palestinienne

Témoignage de Hicham El Alaoui, superviseur et coordinateur en France des équipes du SIF dans la bande de Gaza

« Avant le 7-Octobre, le SIF travaillait sur tout ce qui est sécurité alimentaire, protection, eau, hygiène, assainissement, mais aussi l’accès à l’éducation ainsi qu’un programme de parrainage d’orphelins. Depuis plusieurs années donc, le SIF soutient la population de Gaza sous blocus israélien. Et aujourd’hui, on continue à travailler à Gaza avec l’équipe présente, car une partie a quitté l’enclave palestinienne. Ceux qui avaient les moyens sont passés en Égypte. Reste ainsi ceux qui n’ont pas pu partir ou bien qui ont décidé de rester à Gaza. On a donc une quinzaine de personnes qui interviennent comme elles peuvent dans la bande de Gaza, dans le Sud -avec un partenaire local lorsque nos équipes n’arrivent pas à se déplacer vers des zones- ou dans la ville de Gaza en partenariat avec l’ONG britannique Mentor Initiative. 

Durant les trois derniers mois, on a pu distribuer des colis alimentaires composés de légumes frais, achetés localement. Durant le cessez-le-feu, on acheminait notre aide de l’Égypte ou bien à partir de la Jordanie, ce qui est désormais impossible. Dès lors, on essaie de travailler directement avec quelques petits agriculteurs qui restent malgré la situation. On a ainsi pu distribuer, en juin et juillet, 15 000 colis de légumes frais de cinq kilos chacun au total. Les colis de légumes de cinq kilos coûtaient jusqu’à 85 € le mois dernier, et les prix continuent d’augmenter. Mais depuis peu, on n’arrive pas à trouver des quantités suffisantes parce qu’avec les ordres d’évacuation des quelques terrains agricoles, les agriculteurs ont été forcés de quitter leurs terres. On essaye aussi, dès qu’il y a une possibilité, d’acheter localement des denrées pour préparer des repas chauds. La famine est devenue réalité dans la bande de Gaza. 

Au niveau de l’eau, on fait des distributions avec l’aide des camions citernes avec notre équipe et nos partenaires. On essaie de négocier avec les quelques unités de dessalement qui ont besoin de tout ce qui est énergie pour faire marcher leurs unités. Mais le prix du fioul et la pénurie impacte beaucoup notre travail. Là, on a une opération qui a commencé au nord de Gaza pour une distribution de 15 000 mètres cubes d’eau potable sur les deux prochains mois : on distribue à peu près six litres d’eau par personne par jour. Au Sud aussi, on a commencé le mois dernier une distribution. On essaie de soulager ceux qui cherchent de l’eau, qui marchent des heures pour quelques gouttes. 

On travaille aussi sur la gestion des déchets solides au niveau des camps de déplacés et autour de quelques centres de santé. Nos équipes subissent la même chose que la population, elles font partie de la population gazaouie. Nos équipes en Égypte travaillent en continu, essaient d’identifier des fournisseurs. Dès qu’il y aura une ouverture, on interviendra immédiatement pour faire rentrer le maximum d’aide nécessaire. »

 

Avec RFI

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